Le Minotaure

Force brute, enfermé dans une forteresse qui semble impénétrable, tel un roc il parait inatteignable. Pourtant, derrière ce rempart, feignant l’indifférence face au monde, bat un cœur qu’il se refuse souvent à écouter. Un cœur, culpabilisant et s’affligeant à l’évocation de celle qui fut, frémissant et saignant au souvenir de celle qui était, appréhendant et hésitant de connaître celle qui est. Un cœur qu’il enfouit profondément à l’approche de ceux qui auraient l’audace de le chercher, de peur d’être aimé ou d’aimer, de peur de blesser ou d’être blessé.

Force brute meurtrie, qui renâcle face au monde de l’Homme. Faisant fi des convenances sociales, en se terrant dans son labyrinthe, il en fuit les faux-semblants. Lui préférant celui de l’Animal, plus spontané plus juste et loyal à ses yeux, qui le rassure. En humble fils de Gaya son cœur se retrouve apaisé et serein à son contact, il y puise sa force et sa ténacité, il en tire sa sensualité et sa droiture. Sauvage et indomptable il observe de loin, parfois avec dédain ou mépris, le tumulte des hommes.

N’allez pas croire pour autant qu’il ne mérite aucune attention, loin s’en faut. A qui se donnera la peine de comprendre son langage, à qui prendra le temps de marcher à son rythme dans les dédales de son antre, à qui éprouvera l’envie de l’apprivoiser, il dévoilera les prémices d’une ouverture dans sa forteresse, laissant entrevoir une infime partie de la pureté et de la richesse qui l’habitent.

Si d’aventure la curiosité vous poussait à entreprendre ce cheminement vers lui, sachez que, dans un premier temps, il vous tiendra instinctivement à distance. Ne vous laissez pas décourager par son apparente frigidité. Ne vous laissez pas endormir lorsque, par la suite, benoîtement, il prétendra n’être que noirceur et ruine, lorsque, tristement, il prétendra n’apporter que peine et souffrance à ceux qui lui sont trop proches. Ne vous laissez pas berner par les démons intérieurs qui le persécutent inlassablement, et lui font présumer à tort qu’il ne peut être autrement qu’obscur et brutal. Parce que, bien qu’omniprésents, ils ne peuvent entamer la richesse et la pureté qu’il porte, inconsciemment, tant elles sont ancrées en lui.
Cessez de ne voir qu’avec vos yeux, cessez de n’avoir qu’une vision exiguë, écoutez avec votre cœur, écoutez et entendez le langage du sien, qui filtre, assourdi, à travers sa muraille, écoutez sa complainte qui laisse deviner, non pas l’indifférence de la bête, mais le cri de souffrance d’un animal blessé et torturé. Ecoutez sa complainte qui laisse entrevoir, non pas une noirceur féroce mais la peine d’un homme incompris.

Prenez la peine de le connaître, de le comprendre et découvrez l’homme sensible qui se cache sous le cuir épais et dur qu’il affiche. Apprenez à discerner l’homme délicat à travers sa rudesse animale.

On dit souvent que la première impression est la bonne, si cela est vrai alors il est ce qu’on appelle l’exception qui confirme la règle. Et si son air taciturne vous pousse à l’aversion, si son mutisme vous rebute, si sa froideur vous arrête n’oubliez pas que c’est cachés au cœur des rochers les plus durs et les plus inaccessibles que se forment les diamants les plus purs et les joyaux les plus rares.

Le sujet du jeu de ce jour là était:

"Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur" : Beaumarchais. Ecrire l'éloge d'une personne proche, famille ou autre...

En 3000 signes (+10%)